Laetitia Delrez est astrophysicienne et s'intéresse à la détection et l’étude d’exoplanètes. Elle est chargée de recherches FNRS à l’ULiège, au sein des unités de recherches Astrobiology et STAR.

Sur quoi portent vos recherches ?

Mes recherches portent sur la détection et l’étude d’exoplanètes, c’est-à-dire des planètes orbitant autour d’autres étoiles que le Soleil. Pour ce faire, j’utilise la méthode des transits : lorsqu’une exoplanète passe devant son étoile, celle-ci va nous apparaître un peu moins brillante car une partie de son disque est occulté par la planète. Pour que ce phénomène se produise, il faut que l’orbite de l’exoplanète soit pratiquement parallèle à la ligne reliant l’étoile à l’observateur. La probabilité d’une telle configuration géométrique est toujours faible, et d’autant plus faible que la planète orbite loin de son étoile, avec donc une longue période orbitale.

Les travaux primés ici ont fait l’objet d’une publication dans Nature Astronomy en 2021. Ils portent sur la détection inopinée du transit d’une exoplanète avec une longue période orbitale d’un peu plus de 107 jours autour de v2 Lupi, une étoile semblable à notre Soleil, située à seulement 48 années-lumière dans la constellation du Loup. Cette découverte a été réalisée par hasard par le satellite CHEOPS de l’Agence Spatiale Européenne alors qu’il était occupé à étudier les 2 planètes plus internes de ce système planétaire. Les transits planétaires offrent une occasion précieuse d'étudier la taille, l’intérieur, l'orbite et l'atmosphère d'une planète. Les systèmes comme celui-ci, avec plusieurs planètes en transit autour d’une étoile brillante, sont particulièrement importants car ils permettent de comparer en détail les propriétés des planètes entre elles et d’ainsi mieux comprendre les systèmes planétaires dans leur globalité.

Les 3 planètes en transit autour de v2 Lupi ont des tailles et masses comprises entre celles de la Terre et de Neptune. Bien qu’absentes de notre système solaire, les planètes de ce type sont en fait très fréquentes autour d’étoiles semblables au Soleil. Leur origine et leur nature sont cependant toujours assez mal comprises : certaines de ces planètes ressemblent à des versions plus massives de nos planètes telluriques (des « super-Terres »), tandis que d’autres ressemblent plutôt à des petites versions de nos géantes de glace (des « mini-Neptunes »).

La brillance de l’étoile v2 Lupi, qui est visible à l’œil nu, en fait une cible très favorable pour des observations de suivi détaillées qui permettront de mieux étudier les propriétés des 3 planètes. En particulier, la planète la plus externe, avec sa longue période orbitale, constitue une cible unique pour étudier une planète de ce type dans un environnement avec un rayonnement stellaire modéré autour d’une étoile similaire au Soleil.

Retour sur votre parcours

J’ai débuté mes études à l’ULiège en 2006, avec tout d’abord un bachelier en Sciences Physiques, suivi par un master en Sciences Spatiales. J’ai ensuite obtenu une bourse FRIA (FNRS) pour réaliser une thèse de doctorat sous la supervision du Dr Michaël Gillon. Cette thèse portait sur la détection et l’étude de Jupiters chauds, des exoplanètes géantes gazeuses qui orbitent très près de leur étoile. Après avoir défendu ma thèse en 2016, j’ai poursuivi mes recherches à l’étranger pendant plusieurs années, d’abord à l’Université de Cambridge au Royaume-Uni dans l’équipe du Prof. Didier Queloz (co-lauréat du Prix Nobel de Physique en 2019), puis à l’Université de Genève en Suisse. Durant ces postdocs à l’étranger, je me suis investie dans différents projets internationaux, tels que SPECULOOS (mené par l’ULiège) qui utilise un réseau de télescopes robotiques au sol pour rechercher des exoplanètes potentiellement habitables (**) autour de petites étoiles proches, ou la mission spatiale CHEOPS de l’ESA qui vise à améliorer la caractérisation d’exoplanètes déjà détectées. De retour à l’ULiège depuis 2021 sous un mandat de chargée de recherches FNRS, je continue à conduire différentes études dans le cadre de ces collaborations internationales. J’ai par exemple récemment mené la découverte d’une super-Terre potentiellement habitable autour de SPECULOOS-2 (LP 890-9), une petite étoile froide située à une centaine d’années-lumière de notre Terre.

(**) Des planètes rocheuses situées dans la zone dite « habitable » autour de leur étoile, c’est-à-dire la zone où les températures pourraient permettre la présence d’eau liquide à leur surface, pour autant qu’elles aient une atmosphère suffisante.

Vos projets pour l'avenir

Je souhaite poursuivre mon parcours académique au sein de l’ULiège et développer ma propre équipe. J’aimerais focaliser mes recherches futures vers des études atmosphériques d’exoplanètes en transit, notamment avec le télescope spatial James Webb de la NASA ou encore avec la future mission ARIEL de l’ESA. Nous sommes en effet à un véritable tournant dans le domaine de l’étude des exoplanètes, où il est à présent possible de commencer à sonder les atmosphères de planètes potentiellement habitables, telles que les planètes TRAPPIST-1, à la recherche d’éventuelles traces chimiques de vie. Quand on y pense, c’est vraiment incroyable !

Cependant, aussi fascinantes ces recherches soient-elles, il faut rester conscients que toutes ces planètes sont inaccessibles et qu’il est donc absolument crucial de préserver la nôtre. Sensible aux enjeux environnementaux de notre époque, je poursuis actuellement en parallèle à mes activités de chercheuse une formation en gestion de l’environnement à HEC Liège (en horaire décalé). J’aimerais ainsi pouvoir jouer un rôle actif dans la transition environnementale et sociale amorcée au sein de l’Université, mais aussi insuffler des pratiques plus durables dans mon domaine de recherche. Dans ce contexte, j’aimerais également développer des activités de sensibilisation à destination du grand public, qui positionneraient la Terre dans son contexte astrophysique, mettant en évidence son caractère unique, merveilleux et fragile, ainsi que la nécessité absolue de préserver notre unique demeure.

modifié le 15/12/2023

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